EXTRAITS DU JOURNAL DE RAYMOND CABRIT concernant Georges CAUSSANEL
(Archives privées)
Avec mes remerciements chaleureux à Monsieur André Lacombe pour m'avoir permis d'accéder à ce document et de le reproduire sur ce site.
(page 4)
......"Quelques temps après, un employé des Ponts et Chaussée,N. DUPLAN, me fait également passer des journaux : " Combat " " Franc-Tireur ". J'eus avec lui plusieurs conversations et je me rends compte qu'il " tâte " le terrain ne voulant s'engager qu'à coup sûr.
Un jour, il se décide, vient me trouver à la Préfecture et dans les couloirs me parle de l'armée secrète : c'est un mouvement qui vient de se constituer et dont il fait partie dans le but de participer à l'intérieur du Pays à la lutte que mènent les Anglais et les Forces Libres du Général de GAULLE contre les armées allemandes et par suite, contre le Gouvernement de Vichy et la collaboration sous toutes ses formes. Ce programme me plaît, je lui demande cependant, un jour de réflexion, car je veux que mon adhésion soit un acte réfléchi, volontaire, elle comporte je m'en rends compte le sacrifice à plus ou moins brève échéance de ma liberté et peut-être de ma vie.
Je consens avec joie pour la cause de la liberté, je deviens donc chef d'équipe de l'armée secrète ( A.S.) mon premier rôle est de constituer une équipe d'amis, ceux avec lesquels je pourrais me mettre à la disposition de DUPLAN qui a pris comme pseudonyme DANIEL, pour toutes les besognes qu'il jugera utile de lui demander d'accomplir, je prends moi-même le pseudonyme de CASTOR et je recrute sans aucun mal parmi les jeunes collègues de la préfecture : MIQUEL Jean, Commis, CAUSSANEL Georges et WILBERT André, auxiliaires, les membres de mon équipe".......
......"Par l'intermédiaire de CAUSSANEL qui est un des membres de mon groupe, je fais la connaissance de GUIRAL, ancien Président de la chambre de la Cour d'Appel de Madagascar qui, après une longue carrière coloniale, ne demanderait qu'à jouir, en paix à MONTAUBAN, d'un repos bien gagné s'il ne partageait pas l'indignation des bons Français contre la trahison qui a livré la France à l'oppression . Je me rends très souvent chez lui le soir dans sa maison de la Bastiole, le " tâte " à mon tour et quand je suis certain de ses sentiments, je lui propose de faire partie de mon groupe de l'A.S. Il accepte malgré la soixantaine avec le plus grand enthousiasme.
Je continue à avoir des contacts de plus en plus fréquents avec DANIEL et je lui fais part de l'adhésion de GUIRAL. Il estime comme moi, que ce dernier est une personnalité trop importante pour que la résistance ne lui confie pas une autre mission et c'est ainsi que sous mon patronage, GUIRAL sous le pseudonyme de GAVARNY entre au Comité Civil de la Résistance qui vient d'être créé et dont le rôle consiste à coordonner l'action des résistants dans le département"......
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(page 5)
......"Entre temps, GAVARNY a remplacé FRANCES à la tête du Comité Civil et il est devenu également à la suite d'une assez longue absence de Me VEAUX, le chef du Service des renseignements du département.
Je travaille en complète collaboration avec lui et je me rends de plus en plus souvent chez lui à la Bastiole dans cette maison, je suis tout à fait chez moi. Sa fille et sa femme sont aussi d'ardentes patriotes. Elles aident de tous leurs moyens GAVARNY et reçoivent, toujours avec le sourire, des visiteurs de plus en plus nombreux mais aussi, de plus en plus compromettants."......
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(page 6)
......"Ainsi maintenant, nous aurons à nous méfier non seulement des collaborateurs français et des policiers, mais des boches.
L'hiver passe cependant en contacts de plus en plus fréquents et divers. Je fournis, grâce à mon équipe de la préfecture, de très nombreux renseignements : télégrammes officiels, papiers importants, nous sommes et surtout CAUSSANEL dit MICKEY à l'affût de tout. Je centralise et je transmets. Je suis d'ailleurs peu après avec mon équipe détaché de la 4ème compagnie de l'A.S. et mis à la disposition du Comité Civil"......
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( page 8)
......"Après les arrestations de Castelsarrasin et de Moissac, GAVARNY a changé de nom et a pris celui de DAUMIER Je prends moi-même celui de CASSAN C'est sous ce nom que je vais fournir le plus de renseignements et faire le plus de faux papiers."......
......"Mon bureau, à la Préfecture, est contigu avec le service de liaison Franco-Allemande où le Capitaine de réserve de MAS LATRIE, Chef du service, reçoit ces messieurs de la Kommandantur. La plupart des conversations ayant lieu en français (le Lieutenant Von Mayer le parle couramment) je n'en perds pas une et je passe l'essentiel de mes journées dans une armoire qui est appliquée contre une cloison qui n'a rien d'étanche. Il en est de même des conversations téléphoniques dont beaucoup sont extrêmement intéressantes. Je transmets chaque jour l'essentiel de ces informations à DAUMIER soit directement, soit par l'intermédiaire de mon ami "MICKEY"......
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(page 9)
......"Un jour, DAUMIER me remit, venant de BOUCONNE, une fiche d'immatriculation au Service de Renseignements des Mouvements Unis de la Résistance. Je devins l'Agent DR. 2455 et cette immatriculation eut pour effet de sanctionner mon travail intérieur dans la branche des renseignements.
Je suivis, sur la liste des agents de Tarn- et- Garonne, GUIRAL et je précédais mon ami MICKEY......
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(page 11)
.....Arrive Mai 1944, nous attendons plus que jamais le débarquement. Le 4 Mai, à midi, MICKEY vient me voir au bureau. Il est blême et je sens qu'il m'apporte des nouvelles graves. Il m'apprend, en effet, que le matin à 6 heures, la Feldgendarmerie allemande s'est rendue chez DAUMIER. DAUMIER, parti depuis quelques jours à LERIBOSC chez une amie de RESSIGEAC dit REMY (chargé au Comité Civil, du N.A.P.) se repose en effet, d'un accès de fièvre paludéenne qui l'a fortement éprouvé.
Les boches visitent la maison mais ne fouillent pas. Ils sont un peu désorientés car ils cherchaient DAUMIER et se trouvent au domicile de M. GUIRAL, Magistrat Colonial. Ils repartent donc et Melle GUIRAL en profite pour brûler les nombreux documents qui étaient dans la maison et emporter chez MICKEY les armes et les explosifs détenus par son père. Aussitôt averti, je décide de me rendre à la ferme où se trouve DAUMIER pour l'avertir et éviter son retour qui était d'ailleurs imminent.
Je pars pour LERIBOSC à bicyclette avec le père de MICKEY (mon grand-père Emile). Nous y trouvons REMY qui nous amène chez Pierre MONFRAIX où se trouvait DAUMIER. Nous lui apprenons la nouvelle. Le coup est rude pour lui mais rien n'est perdu puisque les boches sont repartis les mains vides. Avant qu'ils ne reviennent, il faut que Mme GUIRAL et sa fille Suzanne soient à l'abri. Quant à DAUMIER, il décide de rester où il est et où, pour le moment, personne ne viendra le chercher.
Je propose à DAUMIER une retraite à la campagne, chez mes beaux-parents à MONTRICOUX pour Mme et Mlle GUIRAL. Il accepte et nous établissons rapidement un plan d'action pour le cas où son domicile serait surveillé. Il est préférable qu'aucun de nous ne se jette dans une souricière, c'est pourquoi COSTES nous ayant rejoint, il est entendu que sa femme se rendra à la Bastiole avec un panier de médicaments pouvant justifier sa visite, si la voie est libre, elle transmettra à Mme GUIRAL un mot de son mari l'informant du projet et lui demandant de quitter immédiatement sa maison Nous prenons rendez-vous pour 9 heures à la Pharmacie COSTES et nous regagnons MONTAUBAN après avoir embrassé DAUMIER et lui avoir fait une carte d'identité au nom de DUPONT, changement rendu nécessaire par le fait que les boches connaissent le nom de DAUMIER.
Entre temps, DUPONT nous avait raconté comment cette identité avait pu être découverte : quelques semaines auparavant, il avait été chargé par BOUCONNE, Chef Régional, de recruter un corps-franc chargé d'opérer contre les délateurs de la Milice et surtout pour mettre fin à l'activité de ROUSSEL, agent de la Gestapo dont l'activité avait déjà fait beaucoup de mal au milieu résistant du département et dont l'exécution avait été décidée par les Chefs de la résistance. DAUMIER avait donc choisi et nommé le chef du groupe-franc : VAROQUI Fred qui devait recruter lui-même ses deux compagnons. VAROQUI recrute entre autres, BOISSONNEAU, vélo-taxi à MONTAUBAN et dont on vit le nom plus tard sur une liste de miliciens.....
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(page 12)
.....Arrivé à MONTAUBAN, je dîne chez mes parents et à 9 heures je vais au rendez-vous à la pharmacie COSTES. Je trouve Mme COSTES en pleurs. Elle m'apprend que le soir à 18 heures, Mme et Mlle GUIRAL ont été arrêtées par la Gestapo. Elles n'avaient pas eu le temps de quitter les lieux ou n'avaient pas voulu, trop sûres d'elles et ne pensant pas à un retour de la police allemande, après l'infructueuse visite du matin. Nous sommes extrêmement touchés par cette nouvelle et je pense surtout à la peine que va éprouver notre ami DUPONT mais il n'y a, pour le moment, rien d'autre à faire qu'à éviter de nouvelles arrestations. Nombreux, en effet, sont nos amis qui ont l'habitude de se rendre de jour ou de nuit chez GUIRAL. Il faut à tout prix les aviser de ce qui vient de se passer. J'envoie mon père prévenir MICKEY, qui me prévient qu'il ne couchera pas chez lui et me conseille de faire de même pendant quelques jours. Le soir même je pars chez LAPLACE, intendant des maquis pour le prévenir. Je ne trouve personne, prévenu par ma femme il est déjà parti avec la sienne. Je demande l'hospitalité pour la nuit à TIGNOL qui me garde chez lui jusqu'au lendemain soir. J'adresse une demande de congé de 8 jours à la Préfecture prétextant de nombreuses affaires de famille.....
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(page 13)
.....Ma femme continue d'aller au bureau jusqu'au samedi 6 Mai et couche seule à la maison (nous avions depuis longtemps, en prévision d'événements de ce genre, envoyer notre fils Robert chez ses grands-parents à MONTRICOUX). Elle n'est pas tranquille car on ne peut savoir ce que les boches auront arraché, selon leur méthode habituelle, à Mme et à Mlle GUIRAL.
Le samedi 6 Mai, ma femme se met elle aussi en congé et me rejoint chez les COULONGES à Pomponne, banlieue de MONTAUBAN où j'ai passé ma seconde nuit et le soir à 5 heures, nous partons à vélo pour nous ne savons où. Nous passons à MONTRICOUX pour prévenir les parents de ma femme et embrasser notre fils, puis je décide d'aller demander l'hospitalité à ST VINCENT D'AUTEJAC chez LACUBE dont je deviens, à mon tour l'obligé. Nous y passons 3 jours fort tranquilles dans l'immeuble de la mairie dont le maire est un parfait collaborateur, mais ignore notre présence, puis, nous quittons ST VINCENT et arrivons à PUYCORNET où mon ami BAYROU, Instituteur nous accueille avec joie. Cette nouvelle résidence a pour moi, l'avantage de nous rapprocher de LERIBOSC où se trouvent toujours DUPONT et REMY. Nous avons de fréquents contacts qui sont nécessaires car la détresse de DUPONT est très grande. Il faut toute notre vieille amitié, l'affection de MICKEY qui a abandonné MONTAUBAN pour le rejoindre et de REMY, pour éviter à DUPONT de se livrer à des extrémités qui n'auraient pour conséquences que de le mettre en péril et d'anéantir tout le travail qu'il a fourni dans la résistance au moment même où nous espérons que ce travail va devenir productif.
Il nous est impossible d'avoir des nouvelles de sa femme et de sa fille. Nous savons seulement que la maison a été pillée par la Gestapo.....